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mises
à jour, le
mardi 1 octobre, 2002 10:30
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En
1961, toutes les plaintes déposées par des
victimes ou des proches d'Algériens assassinés
furent étouffées.
En
1998, neuf plaintes ont été déposées
pour "crime contre l'Humanité". La justice
française a jugé irrecevables ces plaintes.
La
Cour Européenne de Justice a été
saisie. Elle pourrait condamner la France pour avoir refusé
de reconnaître la réalité du crime.
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Pont
parisien en octobre 1961
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Un
crime contre l'Humanité ? |
Art.
212-1 du Code Pénal : La
déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive
et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements
de personnes suivies de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains,
inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou
religieux et organisées en exécution d'un plan concerté
à l'encontre d'un groupe de population civil sont punies de la
réclusion criminelle à perpétuité.
Le 5 janvier
1998, neuf personnes, victimes directes ou parents de victimes du 17 octobre
1961, ont déposé une plainte contre X pour crime contre l'Humanité.
Le crime contre
l'Humanité est constitué lorsque des actes inhumains ou des persécutions
sont perpétrés par un État contre une collectivité raciale ou religieuse,
ou contre des opposants politiques. Il est imprescriptible.
Bien que
les crimes du 17 octobre 1961 relèvent du crime contre l'Humanité, le
juge d'Instruction à qui la plainte a été transmise a refusé de l'informer.
Il a invoqué
pour cela les raisons suivantes : le crime contre l'Humanité tel que défini
par le Tribunal international de Nuremberg ne peut concerner que les agissements
des puissances de l'Axe (Allemagne, Italie et Japon). Ce n'est qu'en
1994, avec le nouveau Code Pénal, que cette loi a été modifiée et intégrée
à la loi française. Or il n'est pas possible d'appliquer une loi rétroactivement.
A cet argument, le juge a ajouté que les faits reprochés relèvent de
la loi d'amnistie, promulguée le 31 juillet 1968, qui interdit que soient
poursuivies les exactions commises au titre de la poursuite de la guerre
d'Algérie.
Peut-on
cependant soutenir qu'une loi d'amnistie s'applique aussi aux crimes contre
l'Humanité, qui sont précisément les seuls crimes qui ne doivent pas rester
impunis, ce qui justifie leur imprescribilité ?
Les plaignants
ont donc fait appel de la décision du juge d'Instruction. Ils ont en particulier
argué du fait que l'on ne peut invoquer la Convention Européenne pour
refuser d'informer la plainte, car si cette Convention énonce que nul
ne peut être poursuivi au titre d'une infraction ne figurant pas dans
la législation interne du pays concerné, elle dit aussi que doivent cependant
être sanctionnés, même en l'absence d'un texte de la législation nationale,
les actes réputées criminels selon les principes généraux du droit. La
loi internationale prime sur la loi nationale et par conséquent les crimes
du 17 octobre 1961, qui violent manifestement les principes généraux du
droit, doivent être sanctionnés.
Le pourvoi
en Cassation des plaignants a pourtant été rejeté par la Cour de Cassation,
qui a usé des mêmes arguments que le juge d'Instruction, soulignant l'absence
dans la législation nationale du crime contre l'Humanité avant 1994, et
affirmant que les crimes du 17 octobre 1961 relèvent du droit commun et,
comme tels, tombent sous la loi d'amnistie.
Cette décision,
avant tout politique, ne peut être acceptée. L'État
a la responsabilité de reconnaître et de condamner les crimes commis sous
son autorité
Les plaignants,
estimant que les juridictions françaises leur avaient causé un préjudice
direct, ont saisi la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Si celle-ci
ne peut réformer les décisions critiquées, elle a le pouvoir de condamner
la France. Une telle condamnation serait à tout le moins une reconnaissance
du crime commis contre des hommes qui n'avaient d'autre tort que d'appartenir
à la nation algérienne en lutte pour sa reconnaissance.
Nota
: pour plus d'informations sur le sujet, consulter l'article de Maître
Dreyfus, "Un massacre couvert par l'impunité judiciaire",
publié dans Le 17 octobre 1961, un crime d'État à
Paris (Paris, éditions La Dispute, septembre 2001).

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